« Cependant les terres immenses des deux branches aînées des Chateaubriand étant passées par des femmes dans des maisons étrangères, la troisième branche tomba peu à peu dans la pauvreté par des subdivisions de partage, et les aînées emportant toujours les deux tiers des biens, et ne laissant pour recueillir leurs successions que des filles, il arriva que les cadets se trouvèrent bientôt sans fortune; il ne leur resta que leurs parchemins… »
François-René de Chateaubriand « Livre I – Mémoires d’outre-tombe »
Un titre de génie ou l’annonce d’un destin
En premier lieu, les Mémoires de François-René de Chateaubriand furent effectivement publiées , pour la première fois, deux ans après la mort de leur auteur, en 1850.
En second lieu, pas loin de deux siècles plus tard, en 2015, l’unique manuscrit original réapparaît sur la scène publique au cœur d’un procès notoire et notarial qui démontre le rôle central du testament de Chateaubriand pour décider du sort qui devra mener le manuscrit vers sa postérité.
Rappel:
Dans ses « Mémoires d’outre-tombe », François-René de Chateaubriand rapporte les déconvenues successorales qui ont réduit les héritages de ses branches familiales au fil de chacune des générations. Né sous le blason d’une noblesse d’épée, il connaîtra les joies et les douleurs d’une enfance désargentée.
Sans grande fortune, les parents de François-René, gardent malgré tout, leur noblesse d’âme ainsi qu’il ressort des écrits de leur fils même si son père n’aura de cesse de courir les prétoires.
Avec la Révolution française, « la nouvelle France juge la France ancienne ». Mais François-René de Chateaubriand traverse son temps par un tour de force :
il se fait témoin des tragédies judiciaires, frappant les nobles par un arbitraire sans vergogne, qui jalonneront le cheminement d’un monde politique galvanisé de sa légitimité nouvelle autour de l’homme Bonaparte. Mais lui aussi sautera dans ce nouveau monde politique et approchera Napoléon. Pourtant, il n’hésitera pas à tirer les leçons des revers de ces temps de confusions pour disposer et user de sa liberté dans un élan de vie littéraire.
Dans la seconde partie de sa vie (à partir de 1811), François-René de Chateaubriand se consacre à l’écriture de ses mémoires. En vérité, il expose, sa survie en suite de celles qu’ils a laissées déjà derrière lui, nombreuses, les siennes, mais également celles de ses proches aimés et condamnés à mourir avec un monde passé. Il met sa plume au service de ses souvenirs mêlés à ses convictions pleines d’intégrité. Il en fait ainsi l’arme élimée de son ultime et incessant combat pour l’indépendance.
Grâce à sa combativité, François-René de Chateaubriand nous délivre des écrits puissants dont la valeur historique n’altère ni les accents de sincérité ni les éclairs de lucidité: Nous pouvons encore à ce jour puiser dans les regards contemporains et personnels de François-René de Chateaubriand.
Sur le plan personnel, François-René de Chateaubriand ne se nourrit d’aucune complaisance:
« Comme il m’est impossible de prévoir le moment de ma fin, comme à mon âge les jours accordés à l’homme ne sont que des jours de grâce ou plutôt de rigueur, je vais m’expliquer.
Le 4 septembre prochain, j’aurai atteint ma soixante-dix-huitième année : il est bien temps que je quitte un monde qui me quitte et que je ne regrette pas. Les Mémoires à la tête desquels on lira cet avant-propos suivent, dans leurs divisions, les divisions naturelles de mes carrières. La triste nécessité qui m’a toujours tenu le pied sur la gorge, m’a forcé de les vendre. Personne ne peut savoir ce que j’ai souffert d’avoir été obligé d’hypothéquer ma tombe ; mais je devais ce dernier sacrifice à mes serments et à l’unité de ma conduite. »
Voici en termes sibyllins, l’expression d’un homme qui inscrira sa vie dans une cohérence exceptionnelle en vertu de laquelle les mots seront les garants de la vérité d’une vie. En toute intimité et pour parfaire son trait, poursuivant dans son éclair de génie, François-René de Chateaubriand n’aura pas même manqué de dresser son testament.
Mais le destin se fit espiègle. A défaut de n’avoir été ouvert en bonne et due forme, par procès verbal, le testament prit vie deux siècles plus tard pour s’ouvrir au coeur d’un procès, tout entier délivré par une procédure orale.
En 2015, la plume de François-René de Chateaubriand est littéralement et littérairement ravivée par un bien incroyable procès :
En décembre 2015, un notaire est condamné par la 30ème Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de PARIS alors qu’après en avoir été dépositaire … lui-même par succession…, il eût tenté de s’approprier en le monnayant ( le manuscrit est évalué entre 400.000 et 500.000€) le précieux manuscrit de François-René de Chateaubriand, laissé deux siècles plus tôt en dépôt à son notaire de l’époque et en cette même Etude:
Rappelons nous que les Mémoires d’Outre-tombe ont été publiées deux ans après la mort de Chateaubriand, en 1850.
Or, François-René de Chateaubriand qui avait rédigé ses mémoires, avait également pris soin de dresser son testament. Il avait ainsi stipulé que :
« Les autres copies qui se trouveront déposées en différents lieux, lors de mon décès, seront brûlées sans être lues. »
Une telle disposition a, semble t-il, permis de conclure certains points qui caractérisent la volonté du testateur:
- Elle exclut par-là que des copies de son manuscrit reviennent à ses héritiers;
- Elle exclut par-là, également, que le seul exemplaire en dépôt chez son notaire, ne revienne à ce dernier.
Ce procès est très intéressant à bien des égards. Le comportement même du notaire, mais également la passivité de ses prédécesseurs, démontrent notamment une faille juridique dans les règles professionnelles et déontologiques notariales quant à la question dénommée encore aujourd’hui communément « transmissions de …Charges ».
Le nouveau titulaire d’un Office peut en effet, encore actuellement, reprendre, l’Etude « en l’état », c’est à dire l’ensemble des dossiers alors qu’il appartiendrait à tout le moins à celui qui était titulaire et au nouveau notaire de prendre des dispositions sur l’ensemble des dossiers de successions et vente qui n’ont pas abouti, le temps passant.
A l’heure actuelle, certains dossiers de successions traînent manifestement dans des Etudes et font finalement office de « meubles » transmis, en dépit de l’évidence, « sans mot dire » avec l’Office ainsi cédée. Situation d’entente anormale entre le titulaire (cédant) et le successeur (cessionnaire) car elle contrevient manifestement à la mission de Service public (avec une majuscule, s.v.p.) du Notaire.
Ainsi donc, cette affaire illustre expose un cas indirect de déshérence successorale qui aurait pu se solder par une spoliation masquée de la part de celui qui était en charge de préserver juridiquement son entière intégrité.
Le notaire a été condamné le 10 Décembre 2015 à 25 000€ d’amende pour abus de confiance …. le notaire a interjeté appel….et François-René de Chateaubriand n’a peut -être pas encore délivré son dernier mot.
Mais à n’en pas douter, François-René de Chateaubriand nous aura démontré que le testament peut aussi être l’expression d’un génie littéraire, pouvant disposer jusqu’à la marche d’une œuvre vers sa postérité !